Béji Caïd Essebsi ou les limites de l’équilibrisme

Béji Caïd Essebsi ou les limites de l’équilibrisme

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« L’action politique, il ne faut jamais le perdre de vue, doit constamment prendre en compte la réalité des rapports de force ».

 

Le parcours de Beji Caïd Essebsi, depuis son arrivée à la Kasbah en 2011, aura été, en grande partie, une illustration de cette idée-force.

 

BCE,  en pragmatique n’a pas cessé  de rappeler cette vérité,

 

L’homme  aimait autant les idées que le terrain.  Celui qu’il s’est engagé à emprunter était miné. Le pays, par deux fois, était au bord d’un déchainement de violence…

 

D’où cette posture d’équilibriste qui comportait ses propres limites.

 

Béji aura été un homme du consensus par nécessité plus que par choix. On nous rétorquera que celui-ci est un « concept » cher à Bourguiba. Nous répondrons que le consensus bourguibien n’était viable, pour ce dernier, que lorsque le rapport de force lui était favorable. Ou Acquis. 

 

Réalité du terrain oblige, Béji a dû composer. Au risque parfois de s’y perdre et d’en dérouter plus d’un.

 

En 2011, et sans légitimité, à la tête d’un Etat sérieusement affaibli, il a su mener le pays vers des élections démocratiques , en s’appuyant sur la société civile et sur l’ «  Etat profond », entendre les travailleurs responsables et patriotes. 

 

Nidaa Tounès fut sa seconde grande mission. Ressemblant plus au Titanic qu’à une machine de guerre, tellement l’équipage faisait dans le bigarré. Un vrai parti consensuel. Erigé  autour de la figure tutélaire de Béji. En reportant systématiquement les élections internes des instances du parti, Béji en évaluait certainement les limites. Substantielles. Le bateau a pris, ensuite, de l’eau de toutes parts. Béji ne s’est pas démené, ou très timidement, pour contenir le naufrage. Et l’orchestre, stoïque, a pu continuer à jouer  la valse des adieux. 

 

 En 2014, Béji avait rêvé du doublé. Il gagne de haute lutte la présidentielle. Et les électeurs ne lui donneront pas le confort de s’appuyer sur une  majorité. Il ne pouvait tourner le dos à des partenaires fins tacticiens et prêt à toutes les contorsions, au point de désarçonner leurs propres troupes. Ce qui est paradoxale, c’est que ce sont ces adversaires/alliés qui se sont adaptés au système de Béji, en multipliant les concessions…jusqu’à une certaine limite. Dont les propositions de la Colibe…

 

Quelques stratèges en embuscade reprochent à Béji de ne pas avoir mené à bout le projet de loi sur l’égalité dans l’héritage porté par la Colibe.

 

 Je reste convaincu qu’il aurait rêvé de faire passer cette loi. C’était, pour lui, la voie royale de la consécration. Mais il a dû composer, encore une fois, avec la réalité du terrain. Il fallait être sourd pour ne pas entendre les voix qui tonnaient de ci de là. Certaines venant d’ailleurs de là où on les attendait pas. De ceux qui s’étaient autoproclamés hérauts du progressisme et de toutes les luttes égalitaires.

 

Tout compte fait, Béji Caïd Essebsi, aura été le président d’une démocratie naissante et fragile.  Il a été touché par sa grâce…et par ses incertitudes.