Et si Willy Wonka était un film pour adultes !

Et si Willy Wonka était un film pour adultes !

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Pourquoi faire simple, quand on peut tout compliquer! Il ne s’agit pas ici de parler d’un conte pour enfants, mais de regarder autrement Charlie et la Chocolatrie de 1972. Film à l’esthétique sous acide, aux sous-entendus sexuels, légèrement raciste et indéniablement génial.

 

L’histoire est simple. Le plus grand confiseur du monde, enfermé depuis des années dans son usine, décide de disperser 5 tickets d’or dans des tablettes de chocolat. L'enfant qui aura un ticket pourra entrer dans la chocolaterie et y passer la journée. Jusqu’ici tout va bien.

 

Dans la première partie du film, on découvre le personnage de Charlie, sa famille, mais surtout sa classe sociale. Pauvre, sensible, dévoué et honnête. Il distribue des journaux pour deux sous, mais il est blanc, très blanc. Un casting qui reflète la domination des canons de beauté de l'époque. De même, la précarité du personnage correspond au moment où les trente glorieuses s'essoufflent aux États-Unis.

 

“Je ne tolère pas la laideur dans une usine !” dit Willy Wonka

 

 

Qui est Willy Wonka? Un fou très futé qui cite Oscar Wilde et Shakespeare à tout bout de champ. Homme d’affaires solitaire, paranoïaque au point de ne jamais ouvrir les portes de son usine, il ira jusqu’à piéger des enfants.  Le chocolatier paranoïaque assassinait-il les enfants pour en faire un ingrédient indispensable à ses bonbons? Il est légitime de se poser la question, quand on voit les enfants disparaître, au fil du film, dans l'usine.

 

Sujet récurrent à l’heure du Saint Gluten, la nourriture oscille entre abondance et privation. Charlie se nourrit, lui, d’imagination et de soupe, et les autres enfants qui ne connaissent pas la misère finiront par disparaître, victimes de leur avidité. “Il ne faut pas trop gâter les enfants” écrit Roald Dahl, l'auteur du roman homonyme. La nourriture procure aux enfants du plaisir, elle est aussi essentielle à leur développement. Dans le film, même l’usine devient un corps qui se nourrit et qui évacue des déchets. La centralité du corps et de la nourriture trouve sa source dans le livre. L’auteur est parti de lui-même et de ses obsessions quand il était enfant.

 

Les Oompa Loompa : comme un arrière-goût de racisme?

 

Faut-il vraiment avoir l’esprit tordu pour arriver à cette conclusion? Pas tant que ça, quand on sait que dans le film de 1972, Willy Wonka évoque ces petits bonhommes qu'il a sauvés de "Loompa Land". Or, les Pygmées, car il s'agit d'eux, réduits à l'esclavage dans l’usine de Willy Wonka, ont été le sujet de plusieurs articles. Dans la version du livre de 1964, les Oompa Loompa sont ouvertement décrits comme des Pygmées ayant la peau noire capturés en Afrique Centrale, simplets et misérables.

 

La journaliste Leyla Eplett a publié un article dont le titre pointe du doigt le racisme dans Charlie et la Chocolaterie. “ For Oompa Loompa, Orange is the new black”. Il contient un paragraphe assassin que voici : “Je ne cesserai jamais d’être impressionnée par l’incroyable imagination d’auteurs comme Hergé et Dahl. Mais les stéréotypes et le racisme sont si imbibés dans leurs livres qu’ils ne se rendent pas compte qu’un groupe de Pygmées reflète une faiblesse dans l’imagination. Dahl le dit : “ Il y a des choses qui ne m’ont jamais traversé l’esprit”.  Au moment de créer leurs histoires, c’est la méconnaissance des autres cultures dans le monde et leur vision d’Occidentaux qui sautent aux yeux.  Pour eux ce qui est différent, c’est l’autre”, ainsi les lecteurs peuvent  observer cet “autre”  comme un ovni culturel“.

 

 

Image associée
1934 - Village de Pygmées Mambuti dans les forêts de l'Ituri. Danses et chants pour célébrer la chasse

 

 

“Snozzberry”, la friandise salace :

 

Ce n’est plus un secret pour personne, Snozzberry n’est pas un fruit exotique, c’est un mot utilisé par Dahl dans un livre qui est tout sauf un conte pour enfants. Le mot fait son apparition dans Mon oncle Oswald, dans un tout autre contexte cette fois-ci.

 

“ Comment as-tu réussi à dérouler le truc en caoutchouc sur lui?

- Il n'y a qu'une seule solution quand ils deviennent violents, répondit Yasmin. J'ai saisi son Snozzberry et m'y suis agrippée comme une forcenée en le tordant une ou deux fois.

- Aïe.

- Très efficace.

- J'imagine.”

 

Pour ceux qui en doutent encore, il s’agit bien du sexe masculin. Un détail inquiétant, surtout que dans la scène en question, Willy Wonka demande aux enfants de lécher le papier peint aux motifs de fruits pour savourer le goût du Snozzberry.

 

Dahl a toujours revendiqué son âme d’enfant, faisant l’éloge de l'innocence, de la pureté et de l’imagination. Pourtant, Charlie et la chocolaterie est un conglomérat de préjugés, de traumatismes et de sous-entendus. Peut-on vraiment rester enfant ou est-ce la fin du temps de l'innocence ?