Histoire de femme : Découvrez ce qui se cache derrière ce tableau de Gentileschi

Histoire de femme : Découvrez ce qui se cache derrière ce tableau de Gentileschi

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Artemisia Gentileschi est une des rares artistes peintres à s’être imposée dans la cour de Médicis, peut-être la seule. Fille d’Orazio Gentileschi, elle a pris la route périlleuse et exigeante du caravagisme. Ses tableaux témoignent jusqu’à aujourd’hui de sa maîtrise technique, de son sens du mouvement et de la puissance de ses coups de pinceau.

Au-delà de ce qu’elle a apporté à l’histoire de l’art, c’est aussi son histoire de femme qui a marqué les féministes du monde entier. Violée par Agostino Tassi, mentor et ami de son père, humiliée par les juges lors de son procès et mère célibataire, elle a dû affronter seule une société qui lui fera payer très cher sa volonté d’être libre. Seul refuge, la peinture. C’est à travers ses œuvres qu’elle se rendra justice, suite au procès où elle sera au banc des accusés face à son violeur en 1612 à Rome. Voici le témoignage d’une sage-femme lors du procès, procès qui a duré 9 mois :

 

Sage-femme

« J’ai touché et regardé dans la nature de Dame Artemisia, fille de Orazio Gentileschi, ici présente, ce que Sa Seigneurie m’a ordonné d’examiner et je dis qu’elle n’est point vierge. Je le sais parce qu’en lui mettant le doigt dans la nature, j’ai trouvé rompus le voile et le tissu virginal. Et je parle ainsi d’expérience, puisque j’exerce le métier de sage-femme depuis dix ou onze ans. »

 

Revenons au tableau qui a suivi cet épisode dans la vie de Artemisia Gentileschi, une œuvre qui fera définitivement décoller sa carrière, une œuvre qui se distingue par son extrême violence, sa noirceur et son parfum de vengeance : Judith décapitant Holopherne. Elle qui avait subi un test gynécologique public, qui avait été torturée (on lui a enserré les doigts dans des fils métalliques lors des interrogatoires) a sublimé sa douleur. Dans Judith décapitant Holopherne, thème biblique récurrent tiré du livre de Judith et repris par plusieurs peintres, c’est la version d’Artemisia qui reste la plus pertinente, à cause de la dimension personnelle injectée dans la réalisation.

La peintre pose ses traits sur le visage de Judith (celle qui décapite) et n’hésite pas à accentuer la ressemblance avec son violeur pour peindre le général (le décapité). Holopherne est peint dans la position d’Artemisia lors de son viol, le tout sur un fond noir, et du sang, partout. Ce sang qu’elle a dû justifier lors de son procès. Autre élément important, dans la version de Caravage, la servante ne fait qu’observer, alors qu’Artemisia fait de la servante une complice active, une rébellion collective, une vengeance de femmes. 

Plusieurs livres et œuvres cinématographiques se sont penchés sur le destin incroyable d’une femme pleine de zones d’ombre, une artiste en avance sur les mœurs de son époque et au génie incontestable. La vie d’Artemisia est faite de douleurs physiques et psychologiques, mais aussi de liberté, de modernité et de combats.

« Artemisia » réalisé par Agnès Merlet, sorti en 1997, biographie romancée de Artemisia Gentileschi.