Nadia Khiari a présidé la 21^eédition du Festival de dessin de presse de Castelnaudary. À cette occasion, elle a été intronisée Chevalier à la Commanderie des côtes de Malepère et Dignitaire de la confrérie du cassoulet !

Elle en a profité pour faire une annonce de taille !

Misk vous publie en intégralité le discours de l’instauration de la dictature utopiste de Nadia Khiari, alias WillisFromTunis, le chat le plus engagé de Tunisie.

Voici pour vous le discours complet :

"Tout d’abord, merci aux Croquignous pour la confiance (ou l’inconscience) de m’avoir désignée présidente de ce festival et à la ville de Castelnaudary de m’accueillir si chaleureusement.

Je suis donc présidente de cette 21e édition du festival de dessin de presse et de la caricature. Mais je serai aussi présidente de la 22e, 23e, 24e, 25e édition, etc. oui, c’est comme ça que ça se passe chez nous. Une fois qu’on a le pouvoir, on ne le lâche plus. On me dit, par ailleurs, que vous êtes des Gaulois réfractaires au changement, donc logiquement vous allez kiffer.

Dans mon travail de dessinatrice, le pouvoir, c’est l’ennemi. Je suis le pouvoir, je suis donc l’ennemi.
Je ne vais pas vous faire de belles promesses ni de beaux discours. En vous annonçant que tout le monde il est beau, je voulais vous faire rêver de la possibilité d’un monde meilleur. Nous pouvons avoir l’espoir de changer les choses. Mais il faudra, pour cela, faire des sacrifices. Je vais vous annoncer la couleur sans vous mentir : je vais instituer une dictature utopiste.
Pour cela, à grand renfort d’arguments populistes, je vais me livrer à l’énumération de tout ce que je vais détruire. Parce que pour construire une société idéale, je vais éliminer tout ce qui peut ébranler ses fondations futures.

Pour cela, je serai aidée par mes collègues dessinateurs ici présents : le renversement, c’est maintenant !

Pour appliquer le principe d’égalité et de réelle souveraineté du peuple, je décide d’éliminer les fonctions présidentielles, ministérielles, les députés, les sénateurs, les préfets, les maires.... Bref, le vote au suffrage universel, car comme le dit Georges Clemenceau « En politique, on succède à des imbéciles, et on est remplacés par des incapables. » Pour que le peuple cesse de donner sa voix, pour l’élimination du métier de politicien et pour la destruction du pouvoir, je désigne celui qui affirme qu’il « accroche des batteries de casseroles au postérieur des despotes » le grand ALF. 

Pour que vos enfants et petits-enfants puissent vivre dans un monde meilleur, je décide d’éliminer toutes les énergies polluantes, et donc de détruire tous les véhicules roulant, navigant, volant qui ne soient pas collectifs. Les énergies ne seront que renouvelables et le recyclage sera obligatoire sous peine de se voir privé du privilège de faire des enfants. Connaissant son engagement pour l’avenir de la planète, je désigne la grande Besse pour se charger de prendre soin de la santé de notre environnement et de brûler tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à un gilet jaune.

Puisque vous ne décidez, à votre naissance, ni de vos gènes, ni de votre sexe, ni de votre nom, prénom, nationalité, culture, drapeau, hymne national, couleur de peau ou religion, vous ne verrez aucun inconvénient à ce que j’élimine définitivement le concept d’identité. Finis les débats clivants qui annihilent nos neurones, finies les conneries. On sera tranquilles. Pour cela, je désigne le grand Batti. Pourquoi ? Parce qu’il symbolise la force tranquiiiille.

Afin d’éliminer toute obéissance aveugle et tout formatage des esprits, je supprimerai l’école, le collège, le lycée, la fac, les grandes écoles, les écoles publiques, privées, religieuses, etc. Franchement, quand on voit le niveau de la grammaire et de la conjugaison de M. Blanquer, l’actuel ministre de l’Éducation, vous voyez bien que ce système est en totale faillite. Pour une nouvelle éducation où la compétition et les heures de colle disparaîtront, je désigne le grand Biz.

Afin de résoudre le problème du chômage, je décide d’éliminer le travail, et je supprimerai également les rues. Plus besoin de les traverser pour trouver du boulot. L’esclavage moderne sera enfin aboli. Afin d’éliminer ce système féodal qui nous aliène, je désigne le grand Cambon.

 Dans cette même logique, je proclame l’annihilation de la misère par l’élimination de l’argent : fini les banques, finis les bourses, les agences de notation, les dettes publiques, privées, les faillites, les comptes dans le rouge, fini le pognon de dingue. Pour renverser le grand capital, je désigne le grand Lardon.

Je décide également de supprimer les impôts. On vous dit qu’il faut payer les impôts par solidarité avec ceux qui ont moins que vous. Alors comme ça, on est solidaires parce qu’on vous met un couteau sous la gorge ? Vous ne pouvez pas aider votre prochain ? Sans menace ni contrainte ? C’est pas joli joli. Afin de mettre fin à cette hypocrisie, je désigne le grand Deligne.

Vous me direz qu’il faut payer ses impôts pour payer les fonctionnaires. Pas de problème, j’éliminerai aussi les fonctionnaires. Surtout la police. 23 ans de dictature policière me confortent pleinement dans ce choix délicat : car au lieu de nous protéger des vilains méchants, la police était aux ordres des méchants pour les protéger de la population. Pour cette tâche importante, je désigne le grand Gibo.

Logiquement, j’éliminerai donc l’armée et surtout la fabrication et la vente d’armes. Je vais certainement vous surprendre, mais les armes, eh ben, ça tue des gens. Oui oui. Et vendre des armes à des régimes dictatoriaux, théocratiques, franchement, c’est pas gentil. Vous allez me dire « Si on ne le fait pas, d’autres le feront. » Avec cette logique, on finit par coucher avec sa sœur, attention. Pour éliminer à tout jamais les armes de toutes sortes, je désigne le grand Giemsi (on me dit à l’oreillette, qu’il est fabricant d’armes blanches, mais que celles-ci ne sont destinées qu’au découpage du saucisson).

Parlons-en de la bouffe ! Mon arrière-grand-père disait : « On creuse sa tombe avec ses dents. » Oui, c’était un monsieur très rigolo. Un des plus beaux plaisirs de la vie, c’est la bouffe. Je décide donc de supprimer toutes les industries alimentaires de masse et de ne privilégier que l’artisanat culinaire. Fini les grandes surfaces, les mac do, Burger King, et autres chaînes de distribution de malbouffe. Au lieu de mettre des étiquettes « bio » sur les aliments pour que mangiez sainement, on écrira « caca » sur les emballages d’aliments industriels. Pour supprimer les problèmes d’hygiène alimentaire, d’alimentations et l’obésité, je désigne le grand Gros (très mauvais jeu de mot, je sais.)

Afin de diminuer de façon radicale le consumérisme planétaire, j’élimine toutes les formes de publicité, car elles sont toutes fondamentalement mensongères. Finis ces affiches publicitaires immondes dans nos paysages urbains et naturels, finis les slogans débiles, finis le marketing, les agences publicitaires. Votre bien-être ne dépend pas d’un objet, vous êtes bien mieux que ça. Afin de détruire à tout jamais ce lavage de cerveau, je désigne le grand Hours.

Et vu que dans ma dictature utopiste, il n’y a plus de pub, logiquement, il n’y aura plus de télévision. Votre temps de cerveau humain sera disponible pour autre chose que ce déversoir à bêtise, à cette crétinisation de masse qu’est le paf. Pour détruire la boîte à cons, je désigne le grand Lerouge.

Dans le même ordre d’idée, je décide d’éliminer tous les médias qui ne sont pas indépendants : les journalistes à la botte d’un pouvoir politique ou économique n’existeront plus. Finis les articles d’opinions, car nous n’avons pas besoin d’avoir quelqu’un pour réfléchir, décider ou critiquer à notre place. Les journalistes passent leur temps à nous dire qu’on se fait avoir alors que nous avons besoin de savoir comment cesser de nous faire avoir. Fini le bruit incessant des chaînes d’info en continu. Afin d’éliminer la propagande de l’asservissement à la peur, je désigne le grand Large.

Toujours dans cette même logique, je proclame la destruction des réseaux sociaux. Pour cela, je vais citer Umberto Eco : « Les réseaux sociaux ont généré une invasion d’imbéciles qui donnent le droit de parler à des légions d’idiots qui auparavant ne parlaient qu’au bar après un verre de vin, sans nuire à la communauté et ont maintenant le même droit de parler qu’un Prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles. » Oui, je sais, c’est limite, mais on n’instaure pas une dictature utopiste en citant Paolo Coelho. Donc, finis les selfies, les commentaires haineux et lâches, et surtout fini les photos de pieds ! Pour cette entreprise de destruction de cette machine à ego-trip, je désigne le grand Sié.

Dans un souci réel de santé publique, je détruirai l’industrie pharmaceutique qui capitalise sur notre déchéance physique. Les médecins seront salariés pour nous maintenir en bonne santé et pour prévenir tous les maux qui nous menacent. Dès que l’on tombera malades, on arrêtera de les payer. Vous verrez, ils s’empresseront très très vite de nous guérir. Pour l’éradication des délégués médicaux, je désigne le grand Wingz.

Et comme le suggère le thème de ce festival, tout le monde il beau ! Je décide donc de détruire la notion de laideur physique ! La beauté ne sera qu’intérieure et la chirurgie esthétique ne sera que réparatrice. Toute personne souhaitant agrandir ses seins, ses fesses ou son zizi sera soumise à un examen psychologique approfondi et sera soignée par l’amour de ses semblables. Pour que tout le monde il soit beau, je désigne le grand Moine,

Et vu que cette dictature de la beauté s’adresse en grande partie aux femmes, je décide d’éliminer la notion de genre. Naître femme ne sera plus un délit ! Naître homme ne sera plus un privilège. Le principe d’égalité entre tous les humains sera imposé par la manière forte et l’on coupera tout attribut sexuel à quiconque ne sera pas d’accord (homme et femmes confondus). J’éliminerai par la même occasion toute préférence sexuelle et décréterai que nous sommes tous humanosexuels et la seule obligation sera le consentement mutuel. Pour appliquer cette égalité à l’échelle planétaire, je désigne le grand Pichon.

Je ne pourrais éliminer les inégalités de sexe sans auparavant détruire toute notion de morale ou de religion. Tous les cultes seront bannis : les quêtes spirituelles seront personnelles et privées. Vous aurez le droit de croire à ce que vous voulez : dieu, anges, paradis, enfer, prophètes, astrologie, chamanisme, homéopathie. Mais en silence. Pour mener à bien cette entreprise, je sais que le grand Jiho se délectera d’accomplir cette tâche. Mais on me dit qu’il est parti pour un jihad sexuel parisien.

Et comme John Lennon le disait, imaginons un monde sans frontières, car celle-ci sont inventées par l’homme. Plus de notion de propriété, plus de territoire à conquérir ou à piller, plus de colonies, plus de post-colonies, plus de suprématie de l’être humain sur le reste des espèces animales, végétales, minérales. Cette planète ne nous appartient pas, car la vie sur Terre est apparue il y a 4 milliards d’années et l’homo sapiens, il y a 200 000 ans. En comparaison, si la Terre avait une durée de 24 heures, l’humain n’apparaît qu’à 4 secondes 32 centièmes avant minuit. Ça force l’humilité. Afin d’éliminer la notion de propriété, je désigne le grand Decressac.

Ma dictature utopiste ne laissera aucune place au narcotrafic qui représente le capitalisme dans sa forme la plus meurtrière et qui profite à une belle bande d’en****. Je décide donc de dépénaliser toutes les drogues. L’expérience du Portugal en est le plus bel exemple : le nombre de morts par overdose, le nombre de toxicomanes ainsi que le nombre de transmissions du virus HIV ont diminué de façon spectaculaire. Pour cela, je désigne évidemment la grande Sampaio.

Afin de clore cette douce rêverie, je décide enfin de détruire le concept d’utopie, car grâce à cette dictature, nous n’en aurons plus besoin. Pour le bien-être de nos idéaux enfin atteints, je désigne la grande Chloé !

Parce que c’est mon projeeeeeet !!"