Le festival de la CAN – la naissance

Le festival de la CAN – la naissance

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Le football africain revient en quelque sorte à son berceau historique, puisqu’il a -littéralement- débarqué sur le continent africain avec les soldats britanniques en 1882 à Alexandrie. Cet entremêlement entre le sport-roi et la politique, débutant par son arrivée avec fracas dans les bagages d’une histoire tumultueuse ne sera pas propre à l’Egypte et ne se démentira quasiment jamais sur notre continent. Dans toutes ses régions pourtant si différentes, l’Afrique fera toujours du football un enjeu politique. Quant à l’imbrication de l’histoire égyptienne avec celle du Royaume-Uni au cours des deux siècles passés, elle va donner aux débuts du football continental une longueur d’avance au pays des pyramides, qui découvre et apprivoise quelques années plus tôt que les autres contrées africaines le plus beau des jeux –de plus sous la houlette de ses créateurs anglais, maîtres du jeu à l’époque.

 

Le rôle positif de la (dé)colonisation 

 

Surtout, dans l’entre-deux guerres, l’Egypte (même théoriquement) est l’un des quatre seuls pays africains indépendants, et le seul à pouvoir se permettre de faire du ballon rond une priorité. Première fédération pour le coup à s’affilier à la FIFA, elle creuse son avance, et dans l’immédiat après-seconde guerre mondiale, tandis que le processus de décolonisation est irrémédiablement enclenché, elle est parmi les quatre à obtenir des instances internationales la reconnaissance du continent.

 

Les trois autres fédérations sont celles du Soudan, de l’Afrique du Sud et de l’Ethiopie. Jules Rimet, président historique de la FIFA à l’époque, est un humaniste convaincu par les vertus du sport et son universalité. L’Afrique mérite pour lui autant de considération que les autres. Son successeur immédiat se veut fidèle à son héritage. Ils sont favorables à des organismes et organisations continentales pour administrer au mieux le football, surtout lorsque ceux-ci se réfèrent à la FIFA et à ses règlements. Le président suivant, Arthur Drewry, est lui plus calculateur. La perspective d’obtenir les voix des représentants africains lors des congrès de l’instance mondiale donne à leurs doléances une audience intéressante lors du congrès de Lisbonne en 1956, et la FIFA leur donne son feu vert pour la constitution d’une confédération et la création d’une compétition continentale prévues en février suivant, à la condition d’y inclure l’Afrique du Sud.

 

Football pour tous, à part Ted

 

On se retrouve donc au Grand Hôtel de Khartoum le 8 février 1957. On y est toujours que quatre, puisque les nouveaux Etats indépendants sont encore en cours de ‘nationalisation’ de leurs instances et pas encore affiliés à la FIFA, condition sine qua non pour en être. Il est décidé de créer la Confédération Africaine de Football (CAF), et le Championnat d’Afrique, les projets des délégations soudanaises et éthiopiennes étant quasiment identiques en ce sens. On décide de jouer un tournoi par élimination directe (demi-finales, match de classement finale). Intelligemment anticipative, la toute nouvelle CAF établit que le tournoi pourra varier 

 

en fonction du nombre de ses affiliés y participant. Mais la politique va revenir d’un coup, accompagnée des prémisses du folklore continental.

 

Alors que le tirage au sort le place face à l’Ethiopie, le délégué sud-africain présente deux listes pour sa sélection représentative : l’une de joueurs blancs, l’autre de joueurs ‘de couleur’ (on adore ce terme chez Misk). Il est remballé, son équipe est exclue, on songe à un tournoi à trois sous forme de championnat, l’Ethiopie fait prévaloir qu’elle est en finale par forfait et le premier tournoi commence de façon boiteuse. Mais la CAF s’affirme d’emblée intransigeante sur certains chapitres, et, après avoir été reconnue officiellement par la FIFA, elle fera bloc afin que le régime de l’apartheid soir banni du football mondial (il faudra du temps) et que Drewry ne soit pas réélu (elle y perdra au change avec Stanley Rous, son successeur, mais ceci est une autre histoire).

 

Le club nilotique des débuts

 

Restent donc trois cofondateurs, qui sont d’accord sur l’essentiel mais aimeraient bien quand même avoir une plus belle place que leur voisin sur l’estrade… Pour Ydnekatchew Tessema, la cheville ouvrière éthiopienne de la CAF dont le prénom fait gagner une partie de scrabble à lui seul, il a obtenu la qualification sur le papier de son équipe donc point trop n’en faut. En revanche, entre l’Egypte et le Soudan, ce dernier venant juste de s’affranchir de la tutelle politique du Caire, c’est plus crispé. Les égyptiens, qui ont placé le Dr. Salem à la tête de la CAF, le siège doit accompagner le lieu de résidence du président, donc Le Caire. Pour les soudanais, ce doit être le lieu de fondation, donc Khartoum. On décide temporairement que ce sera cette dernière option pour une raison simple : l’un des délégués soudanais a conservé les statuts sous clé dans son bureau…

 

Six mois plus tard, c’est bien au Caire que sera transféré le siège confédéral (il a bien fallu rouvrir le bureau). Il s’y trouve toujours, et ses hôtes ont bien souvent su en tirer avantage sans aucune gêne… Mais en attendant, le patron des sports égyptiens -le maréchal Amer- décide que le Dr. Salem ne lui convient pas et nomme à sa place le général Mostafa -qui, s’il est en bon militaire parachuté à son poste, saura s’acquitter de sa tâche honorablement. Le Caire accueille la seconde édition de la Coupe d’Afrique, toujours à trois, toujours un succès populaire, et la compétition est bien née et est lancée pour de bon.

 

Elle va d’emblée prouver les capacités de l’Afrique lorsque ses dirigeants veulent œuvrer pour le bien, capables de mettre sur pied avant leurs anciens colonisateurs une compétition d’envergure continentale, capables aussi de s’adapter aux circonstances ainsi que le prévoyait le règlement de base -la compétition passe à quatre, puis six, puis huit participants lors de sa première décennie. Cette capacité ne sera jamais remise en cause, même lorsque le continent montrera ses difficultés à digérer ses indépendances. La CAF adoptera ainsi quinze ans avant l’Europe et vingt avant l’Amérique du Sud le mode d’organisation le mieux adapté (phase finale à huit en deux groupes, puis à seize en quatre, organisation conjointe), et saura faire marche arrière plus vite que la FIFA lorsque ce sera nécessaire (une seule tentative avec la formule tronquée du ‘groupe final’ en lieu et place des demi-finales et finale). En revanche, elle aura plus de mal à composer avec les enjeux politiques et financiers énormes et croissants qui accompagneront l’évolution de la coupe d’Afrique et du football…

 

Mais ceci est un autre chapitre de l’histoire. Ca tombe bien, on fera plusieurs articles.