Ma semaine à Cannes : Netflix et les Gaulois...

Ma semaine à Cannes : Netflix et les Gaulois...

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Le festival de Cannes est-il en passe de ressembler au Village d’Asterix, symbole de la résistance farouche aux assaillants romains dont le rôle est assuré présentement par Netflix et autres méchants loups de l’espèce d’Amazone P.V. , d’Apple TV et de Hulu ?

 

La défense de la chronologie des médias va dans le sens d’une certaine idée du cinéma. Ce  mécanisme qui fixe l’ordre des différents exploitations des films et dont dépend en grande partie la survie du dispositif cinématographique originel construit autour de l’exploitation en salles ,est le sujet qui agite depuis un moment les mondes du cinéma et qui s’est invité en cette 72ème édition.

 

Cannes, en décidant de bouder les productions de Netflix, est devenu le lieu emblématique de cette fracture.

Mais le village assiégé tiendra-t-il le coup face à la déferlante et à la pression du marché dérégulé ?

Jusqu’à quand la défense de certaines valeurs résistera-t-elle aux assauts de ceux que les puristes considèrent comme des traîtres à la cause du  cinéma ?

La liste de ces derniers grossit et prend de l’ampleur par les noms qui la composent. Cela va de Martin Scorsese aux frères Coen en passant par Alfonso Cuaron et son exercice ( assez barbant) de réalisme stylisé répondant au titre de Roma  ( tiens, tiens, encore les romains!), liondorisé chez le concurrent historique vénitien.

Dans la même veine d’idées, le délégué général du Festival Thierry Frémaux a soutenu du haut des marches les luttes de la rue algérienne au risque, a-t-il ajouté, de froisser certains.

Mais comment comprendre alors qu’il ait défendu bien fort Alain Delon qui a « le droit de penser ce qu’il pense » et même si cette « pensée » frise la xénophobie et la misogynie ?

Avec les polarisations qui s’annoncent, Cannes devra choisir sa ligne. A moins de jouer à l’aspirateur de toutes les passions politiques.

 

 

Du côté de l’Acid...

 

Politique qui s’est invitée lors de la projection du documentaire brésilien Indianara, au programme de l’ACID, avec la lecture par un porte-parole des Gilets jaunes d’un manifeste de ce mouvement. Contre la violence et pour plus de justice sociale.

Les films de cette section, qui programme neuf films et un focus, l’Acid trip, dédié cette année au cinéma argentin, sont généralement de belles découvertes. Nous avons pu voir, après des sympathiques heures de queues sous la pluie, deux films assez singuliers, œuvres de deux réalisatrices. Le premier est Take me somewhere nice de la bosniaque Ena Sendijarevic.  Road movie sensuel et ensoleillé qui reprend le thème de la quête identitaire à partir du voyage d’Alma de la Hollande vers la Bosnie pour rejoindre un père alité.

Le second est l’œuvre de l’argentine Barbara Sarasola-Day, Sangre Blanca. Ce film, assez sombre, met en scène une relation tendue entre une fille et son père qui ne lui a jamais prêté une attention particulière. Mule entre la Bolivie et l’Argentine , Martina perd son compagnon  quand une boulette de cocaïne se déchire dans son ventre. Les commanditaires, au risque de l’éliminer, lui demandent de récupérer la drogue. C’est alors qu’elle fait appel à ce père chirurgien qui n’accepte de venir qu’au bout d’un chantage...

En maintenant son personnage sous tension, le film révèle des enjeux psychologiques  profonds qui entourent la quête d’amour et la reconnaissance filiale. Les protagonistes sont quasi enfermés à l’intérieur du cadre et l’extérieur est systématiquement chargé d’une menace diffuse. Ce choix assumé  donne au film une véritable cohérence dramaturgique et esthétique.

Notons que les films de l’association du cinéma indépendant pour sa diffusion ( ACID) sont choisis par des cinéastes. Cette association œuvre pour offrir de la visibilité au cinéma d’auteur français et international qui trouve des difficultés à être distribué dans des salles où la concentration est de plus en plus grande puisque les les 10 premiers films occupent chaque semaine 93% des écrans !

L’ACID serait-il le nouveau village gaulois ?