Paris, Texas: L’Amérique selon Wenders

Paris, Texas: L’Amérique selon Wenders

Partager

« Peut-être bien qu’au tout début de mon projet, j’ai été influencé par la lecture que j’avais faite de l’Odysée, quelques mois auparavant. Et où j’avais retrouvé quelques-uns des grands thèmes universels »

C’est en ces termes que le cinéaste allemand Wim Wenders introduit son film Paris- Texas.

Palme d’or au Festival de Cannes en 1984, ce road movie n’a pas perdu de son attrait.

Et il continue à diviser la communauté des wendersiens. Pour dire vrai, je fais partie de ceux qui estiment que Paris Texas annonçait le virage vers l’américanisation du cinéma de Wenders.

Avec ce film, il quittait le giron germanique, le cocon existentiel, philosophant et contemplatif pour une mise en scène plus aguichante, une poésie plus lisible, une intrigue plus écrite. Paris, Texas est maîtrisé, très maitrisé au point où s’effaçent les lignes de fuite et les ouvertures sur les béances du monde qui font encore la puissance des films comme « Alice dans les villes » ou « Au fil du temps »…

Avec Paris Texas, il semble que Wenders perd la distance qui faisait une certaine force thématique de ses films. Cette distance où il disait à la fois sa fascination et son rejet de la mythologie américaine. L’intenable tension entre le rêve, toujours renouvelé de liberté, et les limites de cet élan fondateur.

Paris, Texas annonce la relative dérive que connaîtra, plus tard, et plus précisément dans les années 2000, l’œuvre de Wenders.

Dans la trame de sa joliesse, le film cligne du côté des émotions et abandonne ce corps à corps avec les images. Le récit se structure rondement ici… alors qu’il butait contre les références, l’indicible et l’impossibilité du cinéma comme plénitude.

Pourquoi Wenders s’est-il mis soudain à y croire ?

On peut penser qu’avec Paris Texas, Wenders rend hommage à ses héros américains sans pour autant appuyer sur l’aspect strictement savant de ces références.

Cela se ressent essentiellement dans la dramaturgie de l’espace qu’il emprunte à l’auteur de Naked Spur, le grand Anthony Mann.

Sans entrer vraiment dans le moule hollywoodien, Wenders entreprend une sortie de la radicalité qui lui a permis, a-t-il écrit, d’éviter d’être aspiré en tant que cinéaste par la vacuité de ses propres récits…

Le poète, homme de théâtre et comédien Sam Shepard qui a co-écrit le scénario a peut-être joué un rôle dans cet apaisement de la relation de Wenders avec l’Amérique. Shepard a toujours été un rebelle. Mais il n’a jamais rompu avec le système.

Il reste que Travis, le personnage principal de Paris Texas, a tout du personnage wendersien. Il est amnésique, muet et sans identité. Il est brisé et perdu depuis que sa femme l’a quitté. Commence alors l’odyssée de cet homme qui surgit aux confins de la frontière américano-mexicaine, qui avance dans un paysage lunaire et part à la recherche de sa famille…

Il retrouvera son fils, devenu le fils adoptif de son frère et retrouvera Jane, sa femme, dans ce qui s’apparente à une non-rencontre…

C’est la relation père-fils qui occupe un moment le centre de l’histoire. Où le père, incapable d’apprivoiser les mots, se confesse dans un enregistrement…et avoue sa responsabilité dans la destruction de son couple…

Travis est revenu pour rendre cet enfant à sa mère…

Scènes émouvantes, excellents comédiens, dialogues frisant la perfection, tout cela c’est Paris Texas, le film le plus américain de Wenders…

La musique de Ray Cooder faisant le reste…

C’est aussi la musique hypnotique et sombre de Nick Cave, qui marquera Les Ailes du désir, le chef d’œuvre absolu de Wenders. Tonalités moins évidentes et couplets moins consensuels…

Il aura été le dernier film « risqué » de Weders…avant que ne commence sa période New age…et là c’est bel et bien une autre histoire….

Ecouter Final Cut - Paris Texas "Wim Wenders"