Rosie The Riveter, propagande de guerre, icône du féminisme est morte

Rosie The Riveter, propagande de guerre, icône du féminisme est morte

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On a tous croisé un jour ou l’autre cette affiche. Comment rater ses couleurs flashy et cette femme, poing serré, levé, à la fois masculine et féminine à l’allure défiante qui nous dit « yes we can do it ».

 

Oui nous pouvons le faire, mais faire quoi ? Qui est cette femme et comment cette affiche vintage a servi à deux buts différents passant d’un élément de propagande institutionnelle à un symbole des luttes féministes, tout en devenant un élément marquant de la culture pop américaine ?

 

Mais avant tout, qui est la femme qui a inspiré J. Howard Miller, le dessinateur de l’affiche ?

 

Il s’agit de Naomi Parker Fraley décédée samedi 20 janvier à l’âge de 96 ans. Le plus marquant dans l’histoire est que Naomi n’a découvert qu’elle avait inspiré cette œuvre que 30 ans après sa création.

 

Rosie the Riveter

 

Lors de la deuxième guerre mondiale aux USA, les femmes ont dû rejoindre en masse les usines d’armement, car l’engagement des hommes dans les forces armées ne suffisait plus, surtout après les attaques japonaises sur Pearl Harbor.

 

L’armée et le gouvernement américain entamèrent alors une campagne de propagande pour recruter plus de femmes à coup d’affiches, de photos, de tracts, etc.

 

En réalité, il y a eu plusieurs Rosies pour les affiches. La première c’est Norman Rockwell qui l’a créée, une femme toute en muscles, sur fond de drapeau américain, tenant une arme et piétinant le Mein Kampf. Elle est apparue en couverture du magazine pour lequel travaillait Rockwell : The Saturday Evening post.

 

Naomi Parker Fraley

 

La deuxième Rosie, celle qui s’éleva quasiment au rang de Joconde du pop art a été commandée par la Westinghouse Company’s War qui voulait motiver ses ouvrières. Cette fois, le dessinateur est J. Howard Miller. En bleu de travail sur fond jaune, un foulard rouge à pois blancs sur la tête, le poing levé, elle montre ses biceps et dit aux femmes de la Westinghouse : « We Can Do It ».

Les deux Rosies sont inspirées de femmes bien réelles. Le modèle de Rockwell est une certaine Mary Doyle. La deuxième passée quasiment inaperçue est Naomi Parker.

 

De sa photo publiée dans le Oakland Post-Enquirer, photo dans laquelle on voit Naomi penchée sur une machine, le dessinateur s’est inspiré pour son affiche. Laquelle affiche ne fut pas placardée durant longtemps et tomba dans l’oubli. On se trompa même sur l’identité de cette Rosie et il faut dire que des Rosies, il y en avait des millions à l’époque. Des femmes qui ont quitté leur foyer pour travailler dans les usines et voler au secours du pays et de l’armée.

 

L’affiche fut donc associée, à tort, à une certaine Geraldine Doyle et personne ne parla de Naomi Parker. Ce n’est qu’en 2010 qu’un professeur en communication, Pr James Kimble, enseignant à la Seton Hall University du New Jersey, commence à faire des recherches. Il était convaincu que la femme sur la photo n’était pas Géraldine. Au bout de 6 ans de recherches, il finit par tomber sur la femme de la photo, en Californie.

 

Elle-même n’a revu l’affiche qu’en 2011 lors d’une réunion qui a rassemblé les femmes travailleuses de la 2e guerre mondiale. « Je ne pouvais pas le croire, je savais que c’était moi sur la photo » avait-elle dit à la presse locale, rapporte la BBC.

Près de 75 ans après que J. Howard Miller n’ait esquissé sa fameuse affiche, la vérité a été rétablie à propos de celle qui en fut l’égérie.

 

Icône des combats féministes ?

 

Le Poster réapparut dans les années 80, adopté par les mouvements de libération des femmes. Pourtant, son utilisation comme symbole féministe reste contestée vu la conjoncture dans laquelle il est né. Une conjoncture non favorable à l’égalité, une propagande pour faire travailler « temporairement » les femmes. Sans parler du fait que Rosie est une femme blanche qui ne représente qu’une partie de la population des ouvrières.

À ce propos, quand Beyoncé a posé en Rosie the Riveter il y a quelque temps, une polémique est née sur la symbolique de cette icône. Mais, d’un autre côté, le message de résistance synonyme d’empowerment que l’affiche transmet l’emporte pour certains sur l’aspect négatif...

 

Digne d’un film américain, l’histoire de Naomi Parker Fraley vient de s’achever en ce 20 janvier 2018. Celle de l’affiche a de beaux jours devant elle.