Sport, Misk et direct allongé

Sport, Misk et direct allongé

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Pourquoi parler de sport dans une radio qui a l’ambition d’être différente et qui se veut culturelle ? Ben, déjà, parce qu’on aime bien ça, ce qui serait une raison suffisante en soi. Mais aussi parce que, comme pour le reste, l’ambition sera d’en parler différemment. Au fait, ‘culturelle’ (ou culturel au masculin) n’est pas un gros mot, qu’on se le dise.

 

Loin des invectives par plateaux interposés que nous ont récemment servis rien moins qu’un ancien sélectionneur national et son capitaine d’équipe, débat qui ne s’éleva même pas lorsqu’ils se qualifièrent de noms d’oiseaux ; loin des débats quant aux manipulations des résultats par le corps arbitral _ ou des mérites comparés des joueurs ou équipes en présence (ça, ce sera pour en dehors du travail radiophonique, on a un café près de la station qui convient parfaitement comme cadre de discussion) _ ; mais en rappelant tant qu’on le pourra notre amour du Sport en son sens originel, le plus beau, visant au dépassement de soi et de ses limites, touchant parfois au sublime, pouvant confiner à l’art, justement.

 

Ce Sport dont les liens avec la culture, sous toutes ses formes, sont innombrables, et qui est révéré par bien des artistes et des créateurs, loin des stéréotypes en décérébrant les pratiquants. Affection prouvée maintes fois à travers les âges et les arts. C’est André Dussolier, créant sur scène une pièce à lui entièrement consacrée. C’est Wim Wenders, tirant un film d’un roman déjà consacré à la solitude du gardien de but. C’est Henry de Montherlant devenu athlète en même temps qu’essayiste. Géographiquement plus près de nous, Fabio Roccheggiani sculptait des footballeurs en devenir, remportait des titres et peignait des toiles qui furent exposées aux côtés de celles de ses amis Turki ou Gorgi, entre autres. Micheline Ostermeyer apprit le piano et la pratique du sport à Tunis, et fut l’une des rares lanceuses de poids à rester élégante même dans l’effort. Elle dit d’ailleurs avoir eu à faire plus d’efforts pour être lauréate au Conservatoire que championne olympique. Quant à savoir si certains des vers que composait Mohamed Ayachi lui venaient pendant les matches, impossible à dire. Guy Lagorce une fois sa carrière sportive terminée embrassa celle des choses de l’esprit. Les moins de trente ans ne connaissent pas Yannick Noah autrement que micro en main. Et Rod Stewart, Andrew Ridgeley ou Kacem El Kefi durent tous choisir entre la musique et le football -… notez qu’on passe rarement leur musique sur Misk. Mais ça ne veut pas forcément dire qu’ils aient fait le mauvais choix. Ah oui, Andrew Ridgeley, c’était celui qui composait la musique de Wham pendant que son copain d’enfance George Michael posait en slip de bain au bord de la piscine dans les clips. Bref, le sport. Et la culture.

 

Même les illustres lauréats du prix Nobel ne peuvent pas s’empêcher de lui témoigner de l’affection, au Sport. Naguib Mahfouz en parle -brièvement- dans ses romans. Prudent, alors que son action se déroule presqu’exclusivement au Caire, il ne parle ni du Zamalek, ni d’Al Ahly, préférant faire supporter à  Kamel (le benjamin de la famille Abdeljawwad) une tierce formation. Et l’éloge que fit Albert Camus du football (et que l’on peut appliquer au Sport en général) dans sa compréhension de la morale des hommes, renvoie à ce qui rend les sports d’aujourd’hui si populaires. Une notion de société parfaite, exclusivement basée sur la méritocratie et où la sanction, du résultat comme de l’autorité que représente l’arbitre, est immédiate et transparente. Entouré de l’aura d’une glorieuse incertitude qui permet parfois au plus faible de l’emporter sur le plus fort. Tout le contraire de la société en somme. Ce modèle idéal est certes battu en brèche par les intérêts économiques gargantuesques générés par le sport aujourd’hui, où le mérite est un hasard que les dirigeants n’aiment souvent pas, mais la notion demeure, et l’attractivité résiste.

 

Donc voilà. Nous doutons qu’un jour, Misk propose une chronique culinaire -bien que l’art de la table et de la cuisine soit un pan à part entière d’une culture- mais en attendant, elle va désormais parler de sport. Autrement.