Les animaux et nous

Les animaux et nous

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À maints égards, nos rapports avec les animaux sont belliqueux et chargés de violence. Une violence motivée par la lutte pour la survie, par l’appât du gain, par l’égoïsme et parfois... elle est juste gratuite.

 

Avec l’urbanisation galopante, la pollution, la chasse, leur univers se trouve de plus en plus réduit et leur nombre baisse, des espèces entières disparaissent régulièrement.

 

Dans la littérature, les rapports entre l’humain et l’animal changent totalement. L’animal devient emblématique, enchanteur, merveilleux, symbolique. Ces êtres dont l’existence a précédé la nôtre de quelques millions d’années ont naturellement été présents dans la culture. Ils ont peuplé les contes populaires, les fables et toutes sortes d’histoires transmises oralement, par écrit ou mises en scène à l’écran.

 

La grenouille sautilla dans la salle, toujours sur ses talons, jusqu’à sa chaise. Là, elle s’arrêta et dit : «Prends-moi auprès de toi!» La princesse hésita.»

Le roi grenouille, les frères Grimm

 

 

L’animal dans la Littérature :

 

Les animaux sont la métaphore et la dimension merveilleuse dans le conte. Ils sont utilisés dans les apologues et les fables afin de faire parvenir librement un message important, de façon divertissante. Ils sont le masque de l’auteur, créant un univers miroir qui reflète l’image de la réalité, souvent dans un but didactique.

 

L’animal, par anthropomorphisme, devient humain, il agit, parle et réfléchit. Il est intelligent, rusé, bête, lâche ou courageux.

 

Les animaux ont été les personnages des fables depuis le fabuliste grec Ésope, considéré comme le père des fables. Ésope a vécu entre le 7e et le 6e siècle avant J.-C, et on lui attribue quelque 300 textes.

 

«Un chameau que son propre maître contraignait à danser dit : “Ce n’est pas seulement quand je danse que je manque de grâce, j’en manque même lorsque je marche.”

Fable d’Ésope

 

Jean de la Fontaine explique que dans ses fables, il “se sert d’animaux pour instruire les hommes”.

 

On peut d’ailleurs en dire autant des fables indiennes de “Kalila wa Dimna” qui l’ont inspiré.


Illustration de la fable "Le lièvre et la tortue" par Clavet-Rogniat

 

Tous ces fabulistes ont utilisé les animaux pour critiquer librement des hommes ou des situations, dans une conjoncture qui n’était pas forcément favorable à la liberté d’expression. Du coup, il leur devenait possible de pointer du doigt des situations ou des personnes sans avoir à les nommer et sans s’attirer les courroux de ceux qui ont le pouvoir.

 

Dans une littérature plus moderne, Orwell use de l’anthropomorphisme dans son livre “La ferme des animaux” sorti en 1945.

 

Cet apologue qui véhicule un message politique, celui d’une révolution volée, met en scène des animaux qui se soulèvent contre les humains. Maltraités, affamés, les animaux se révoltent pour l’égalité, mais, ils finissent manipulés par les dirigeants et réconciliés avec les ennemis. Ils travaillent plus dur et sont toujours aussi affamés qu’avant. À la fin du livre la devise qui l’emporte est “Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres”.

 

Dans sa dystopie, Orwell caricature la révolution soviétique. Il s’agit d’une satire qui mêle art et politique et où les cochons sont les favoris du régime, leur leader, Napoléon, est Staline… En somme, avec toutes leurs spécificités, les animaux mettent en avant des traits de caractère typiquement humains : cupidité, tyrannie, soumission…

 

Écrit à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le livre tire à boulets rouges sur le communisme stalinien avec toutes ses composantes et tous ses acteurs.

 


Affiche d'une adaptation de la "Ferme des animaux" de Georges Orwell

Mais entre l’Homme et l’animal, les liens ne sont pas que littéraires. Il y a des relations plus étroites qui relèvent de la psychologie. Aujourd’hui, il y a des thérapies assistées par les animaux pour soigner les humains. C’est dire l’importance de l’un pour l’autre et l’empathie qui les lie et qui devrait être réciproque.

 

L’histoire du “Cheval de Turin” rapportée par Erich Podach en 1889, raconte l’empathie de Nietzche pour un cheval fouetté par son propriétaire : le cheval qui a fait pleurer Nietzsche.

 

“La rumeur raconte que ce jour-là, Nietzsche assiste à une scène brutale : il voit un cocher battre un vieux cheval de trait. Saisi par la pitié, sanglotant, il se jette au cou de la bête martyrisée avec un geste protecteur, puis s’effondre. Nietzsche gît à terre”.

 

Rumeur ou pas, l’histoire marque le début de la dérive pour le philosophe qui a sombré dans la folie à partir de ce moment et durant les 10 dernières années de sa vie.

 

L’animal dans le cinéma :

L’anthropomorphisme est utilisé dans le cinéma comme dans la littérature, et les animaux deviennent les personnages de films. Du lapin blanc d’Alice à tous les personnages de Disney, de Miyazaki, en passant par les films dont ils sont les héros tout en gardant leurs propres caractéristiques animales, ils ont investi les grands écrans depuis des décennies.

 

L’œuvre de Miyazaki

 

Dans l’œuvre de Miyazaki qui se caractérise à la fois par un côté poétique et un aspect engagé, les animaux sont parfois élevés au rang de dieux. Miyazaki ne s’est jamais détaché dans son œuvre des problèmes environnementaux du Japon. Par implication dans la cause écologique pour certains ou parce qu’il reprend la philosophie du shintoïsme où les forces de la nature sont présentes pour d’autres. On retrouve dans ses films des animaux qui sont les esprits de la nature, de la forêt, etc. Les animaux sont magiques, fantastiques comme dans “Mon voisin Totoro”, mais ils sont aussi la nature en colère ou la sagesse de cette dernière comme dans “Princesse Mononoké”.


Capture du film "Princesse Mononoké" de Hayao Miyazaki

Zoo

 

“Si un animal tuait avec préméditation, ce serait un réflexe humain”. Stanislaw Jerzy Lec

 

 

Sorti en 2007, Zoo est un film documentaire réalisé par Robinson Devor, qui parle de la violence à l’égard des animaux. Il met en scène l’histoire d’une communauté zoophile découverte par les médias suite à la mort de l’un de ses membres, père de famille, dont la vie sexuelle est restée insoupçonnée jusqu’à sa mort accidentelle.

 

Le film alterne réalité et fiction, rapportant un scandale qui a bien eu lieu en 2005 à Washington.

 

L’animal est ici victime de l’homme, qui lui même est victime de sa perversion. Suite à l’éclatement de ce scandale, la zoophilie est devenue passible d’une peine de prison allant jusqu’à 10 ans à Washington. Le film a choqué, scandalisé, mais a permis d’aborder un tabou et de faire évoluer le Code pénal de cet État.

 

Fables d’Ésope, contes de Grimm ou de Perrault, cinéma de Disney ou de Miyazaki, toutes ces œuvres et bien d’autres encore nous en apprennent autant sur nous-mêmes que sur l’animal qui devient humain, messager, héros ou compagnon du héros par le processus d’anthropomorphisme.

 

Crédit photo Cover: Marc Chagall, Cow with parasol