On a envie de vous parler du clip “This Is America” de Childish Gambino

On a envie de vous parler du clip “This Is America” de Childish Gambino

Partager

En 4 min 5 s, Childish Gambino met en musique et en image un état des lieux de son Amérique. « This Is America » est plein d’allusions et de références à l’histoire des États-Unis et à la pop culture.  

 

L’histoire aurait pu être belle, des premières notes légères, joyeuses et entraînantes grattées sur une guitare. Donald Glover, l’homme qui se cache derrière Childish Gambino clame les premières paroles « We just wanna party » (on veut juste faire la fête).

 

0 minute 50secondes. Première rupture. Childish Gambino annonce la couleur, elle sera noire (de la couleur de peau si malmenée aux États-Unis) et rouge de ce sang qui a trop coulé. La rythmique estivale et un brun naïve bascule dans l’obscurité. Changement de jeu de scène et changement de mélodie. Le chanteur se saisit d’une arme de poing et abat froidement un homme de dos dont le visage est dissimulé sous un sac de toile. Pourquoi sa figure est-elle voilée ? Cette anonymisation nous fait penser que tous les noirs des USA peuvent être à sa place. Tous de potentielles victimes. Dès ce premier « pan », le chanteur scande ce refrain entêtant et accusateur « This is America ». Rappeur, musicien, acteur, scénariste, réalisateur, producteur, humoriste et DJ… Donald Glover devient maintenant sociologue qui fait l’autopsie de cette Amérique à la dérive. Il lui faut une seconde pour abattre l’homme au sac. L’arme du crime est soigneusement récupérée, le cadavre traîné au sol. On comprend alors qu’il nous raconte l’histoire d’un pays dans lequel on accorde aux armes plus d’égard qu’aux vies humaines.

 

1 minute 04 secondes. Le cadavre disparaît. Derrière le chanteur au torse nu, un bal de jeunes et de voitures virevoltent en furie. Prémices des émeutes ? 1 minute 08 secondes, des adolescents habillés de ce qui semble être des uniformes de lycéen font leur entrée, grand sourire aux lèvres (fusillade dans les lycées ?). C’est d’ailleurs ce qui fait toute la tension de ce clip. La cohabitation constante de l’innocence et de la violence.

 

Police be trippin’ now

Yeah, this is America

Guns in my area

 

1minute 40 secondes. Changement de décor. Le hangar désaffecté laisse place à une chorale gospel. La joie revient. Ils chantent en chœur et répètent comme une incantation « Get Your Money »/« gagne de l’argent ». Et devinez ce qu’il se passe ? À 1minutes 56 secondes, une mitraillette apparaît comme par magie dans ses mains (oui, il est très facile de se procurer une arme au pays de l’oncle Sam). Et la joyeuse chorale est décimée. Aucune fiction, c’est un rappel de la fusillade raciste qui a eu lieu en 2015 dans l’église épiscopale de Charleston. Le criminel Dylan Roof voulait déclencher « une guerre entre les races. 1 minute 59 apparaît une voiture de police, mais aucun policier...

 

2 minutes 04 secondes. Retour dans le hangar. La musique voile à peine les cris de ce qui semble être une foule en colère.

 

2 minutes 28 secondes. À l’étage, des jeunes filment avec leurs smartphones la débâcle qui se déroule sous leurs yeux. Oui, cette attitude passive et voyeuriste est symptomatique de notre société moderne. 2 minutes 35 secondes. Un cavalier noir sur son cheval blanc fait irruption entre les voitures de police et les carcasses de voitures en feu. Doit-on pousser l’interprétation jusqu’à y voir un chevalier de l’apocalypse dont la chevauchée annonce la fin du monde ?

 

2 minutes 57 secondes. Donald Glover sort une de ces cigarettes qui font planer. Retour dans le monde de joie et de naïveté. Dans ces plans, de nombreuses voitures, symbole de notre société de consommation ?

 

3 minutes 39 secondes. Un plan noir et puis la course. Les yeux exorbités (par la peur ?), le chanteur fuit une foule d’hommes qui le poursuit. Si certains y voient une évocation du film... d’autres préfèrent laisser libre cours à une scène ouverte et donc à toutes les interprétations que l’on souhaite.

 

Dans ce vidéo-clip réalisé par Hiro Murai et regardé 30 millions de fois en 48 heures, les chorégraphies aussi ne sont pas là par hasard. Mélangeant des danses populaires aux États-Unis et des mouvements de danse sud-africaine appelée Gwara Gwara.

Un des refrains dominants reste “Get your money, Black man (Black man)” dont on a compté 13 répétitions, montre une dénonciation d’une société dans laquelle l’argent fait l’homme et la couleur de peau vous enferme dans des stéréotypes (mieux vaut ne pas être noir dans l’Amérique de Trump...). Lutte des classes et lutte des races se font face dans une Amérique qui prétend être “the land of the free”.