Stanley Kubrick, Le joueur d’échec derrière la caméra

Stanley Kubrick, Le joueur d’échec derrière la caméra

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Le 7 mars 1999, le monde du cinéma a perdu l’un de ses emblèmes : Stanley Kubrick. Sa passion pour la photographie, ses préoccupations esthétiques et sa cinéphilie étaient la sève nourricière de ses œuvres : véritables monuments du 7ème art qui ont influencé, influencent et influenceront des générations de cinéastes.

 

Les premiers petits pas d’un futur grand monsieur

 

Le moins qu’on puisse dire est que Kubrick est né sous une bonne étoile en ce 26 juillet 1928. Kubrick a, effectivement, eu le privilège de grandir dans une famille d’intellectuels new-yorkaise ; Auprès de son photographe de père, il se découvrira une réelle fascination pour l’art visuel entre deux parties d’échecs. Sa mère, danseuse, chanteuse mais également dévoratrice de livres, lui transmettra son avidité pour la lecture. 

A son 13ème anniversaire, il reçut de son père un appareil photographique et se mit à prendre ses premiers clichés dans tout New York pour les vendre, ensuite, à des journaux locaux. 

A 17 ans, il était déjà reporter photographe pour le magazine « The Look ». Cette petite parenthèse, peu connue du grand public, a certainement compté plus ce qu’on l’imagine dans la construction du futur génie du cinéma. Durant cette période, le brillant autodidacte aura appris, à la vitesse de l’éclair, tout ce qui a attrait à la composition d’images, à l’éclairage et à l’art du mouvement.     

 

Une personnalité atypique 

 

En proie à sa grande méticulosité et son souci obsessionnel du détail, il gardait une entière mainmise sur toutes les étapes de conception de ses œuvres. On retiendra le travail d’un illustre créateur s’étant attelé, tout au long de sa carrière, à façonner et réfléchir, à la manière du dieu biblique, la genèse de son univers artistique. 

Une drôle d’anecdote a de tout temps amusé les cinéphiles : Kubrick détestait viscéralement sa toute première réalisation « Fear and desire », jugée si médiocre par son créateur qu’il en avait ordonné le bannissement des salles obscures. Derrière son intransigeance et son perfectionnisme devenus légendaires, on devine aisément le dévouement sincère et généreux d’un artiste hors normes. Largement influencé par Bergman, le maître suédois du cinéma existentialiste, et Tarkovski, le cinéaste-poète Russe, Kubrick a touché à presque tous les genres cinématographiques tout en ajoutant sa touche d’auteur-intellectuel.

 

Retour sur ses œuvres les plus emblématiques :

 

1- « 2001, l’Odyssée de l’espace » (1968)

 

L’aventure métaphysique par excellence dans laquelle le genre humain ainsi que son évolution sont décortiqués d’une manière fort percutante. Une œuvre majeure qui marqua instantanément les spectateurs par la force sidérante des images aussi bien que le genre science-fiction qui ne se remettra jamais de l’impact de « l’inimitable 2001 ». Avec cette réalisation astronomique, Kubrick prit définitivement une place de choix dans le panthéon des cinéastes majeurs du 20ème siècle.

 

2- Full Metal Jacket (1987)

 

Après « Dr Folamour » sorti en 1964 et « Les sentiers de la gloire », paru en 1957, Kubrick s’attaque à son 3ème long métrage de guerre « Full Metal Jacket », un film totalement antimilitariste. En fait, l’œuvre a été décomposée en deux actes symétriques. Le premier se déroulant dans les camps d’entraînement des soldats américains ; le deuxième acte prenant place sur les champs de bataille du Vietnam. 

A travers ce travail, Kubrick a tenté, d’une part, de dénoncer les atrocités orchestrées par le système militaire Américain et d’autre part d’analyser la déshumanisation des humains et le combat entre le mal et le bien.


 

3- Plusieurs adaptations de romans 

 

« Barry Lyndon » (1975) 

 

Un film historique, adapté du roman « Mémoire de Barry Lyndon ». D’une durée de 3 heures, possiblement ennuyeux par moment, il n’en reste pas moins pharamineux ne serait-ce que pour sa cinématographie. Entièrement filmé en lumière naturelle, notamment celle de bougies.  Barry Lyndon est, en fait, une imposante fresque picturale. 

 

« Shining » (1980)

 

Un film adapté du roman du même nom de Stephen King. Pour son 10ème long métrage, le maître a opté pour une épopée horrifique dépeignant la descente infernale d’un Jack Nicholson dissocié et halluciné. L’acteur, a, soit dit en passant, vu sa carrière renaître grâce à sa majestueuse et psychotique interprétation. 

« Shining » n’a pas manqué de chambouler les effets bâclés du cinéma d’horreur en termes de mise en scène. Le film a notamment marqué par ses décors géométriques, sa manipulation quasi-parfaite de la steadycam sans oublier le rouge flamboyant omniprésent dans le visuel Kubrickien.

 

« Eyes Wide Shut » (1999) 

 

Resté mutique pendant plus de dix ans, il sortit de son ermitage en livrant ce qui sera son œuvre posthume, sans doute la plus mystérieuse et la plus sombre. 

« Eyes Wide Shut », fondé sur une nouvelle d’Arthur Schnitzler, toujours plongé dans l’ambiguïté et teinté d’un rouge profond sur un fond de musique classique, sort en 1999.

Kubrick braqua son objectif sur les très convoités Nicole Kidman et Tom Cruise, en toisa regards, visages, corps et mouvements pour tenter d’approcher l’énigme ultime : le couple. Manifestation du fantasme et du désir d’un couple entre rêve et réalité, telle est la problématique de la dernière œuvre Kubrickienne, une œuvre très largement inspirée de la psychanalyse Freudienne.

 

Deux décennies après sa disparition, Kubrick continue de fasciner cinéphiles et théoriciens. Chose parfaitement compréhensible quand on sait ce qu’il a été et ce qu’il a accompli. Comment ne pas être intrigué par cet homme singulier décrit par ses pairs comme un véritable « scientifique de l’image », « un psychosociologue du scénario » ?