Frodon et les nouvelles vies du cinéma....

Frodon et les nouvelles vies du cinéma....

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La suite de notre chronique consacrée aux événements qui ont
marqué la vie cinématographique en Tunisie, revient sur la
master classe organisée lors de la dernière session des
Journées Cinématographiques de Carthage et qui avait pour
invité Jean-Michel Frodon.

Historien, enseignant et critique de cinéma, Jean Michel
Frodon a dirigé « Les Cahiers du cinéma » et la page cinéma du
quotidien « Le Monde ». Il est aussi l'auteur de très nombreux
ouvrages que nous pouvons classer en trois catégories. Ceux
qui s’intéressent à des auteurs comme l’essai sur le cinéma du
taiwanais Hou Hsiao Sien.
Ceux qui interrogent des cinématographies particulières, comme
les livres dédiés au cinéma du monde chinois.
Et enfin les livres qui entreprennent une réflexion sur
l’actualité du cinéma mondial.
Cette rencontre que j’ai eu le plaisir d’animer a permis au
public, formé essentiellement, ce jour-là, d’étudiants et de
critiques étrangers, de partager l’univers cinéphilique et
intellectuel de Jean Michel Frodon.
Cet « éclaireur du septième art » comme s’est plu à le
surnommer une journaliste, a apporté de nombreux
éclaircissements sur les idées-forces qu’il développe autour
du cinéma.
Un cinéma qui est en prise depuis quelques années avec ce qui
apparaît comme un défi majeur devant le dispositif filmique
traditionnel. Ce défi a pour nom mondialisation et nouvelles
technologies ou poussée numérique. Etant convenu que cette
dernière impose des façons de faire et d’entrer en contact
avec le film.
«  Que fait le cinéma et que rien d’autre que lui ne fait ? »
Les produits de Netflix et de Marvel est-ce que c’est encore
du cinéma ?
La prééminence du nouveau modèle narratif hollywoodien,
laisse-t-elle encore la place à la construction des
imaginaires ? Respecte-t-elle le public ?
La prise en charge de la production par des managers qui n’ont
pas de lien affectif ou intellectuel avec le cinéma va-t-elle
signer la fin d’une époque ?
Avec le numérique et sa logique unificatrice, glisse-t-on vers
la fin du cinéma ?

Posées en vrac, ces questions portent incontestablement un
fond de pessimisme quant à l’avenir du septième art…
Mais Jean-Michel Frodon privilégie la piste de la dynamique
historique. Et évite les jugements de valeur…
Même s’il semble se placer du côté du spectateur minoritaire,
attaché à un cinéma d’art et franchement ouvert sur les
expériences singulières, Frodon pense que Netflix par exemple
ne viendra pas à bout du cinéma. « Il y a des films qui sont
habités par la salle » a-t-il dit. Scorsese tourne pour les
nouveaux supports, mais il découpe son film comme on découpe
un film pour le cinéma…
Si le nouveau cinéma est en train de déconstruire les
enchainements logiques des récits pour favoriser les effets
sensoriels, de nouvelles propositions viennent rompre ce
carcan qui a réduit la narration à des punch line efficaces et
minimales…
Jean-Michel Frodon voit dans le cinéma du monde chinois
surtout celui qui a été produit depuis les années 80, une
force de renouvellement du septième art. Ancrés dans leurs
traditions littéraires, théâtrales et poétiques, ces cinéastes
ont pu inventer un langage où ils posent leurs conceptions
particulières du temps, de l’espace et du personnage…
Cette même appréciation vaut, selon lui, pour le cinéma
iranien.
Et la critique cinématographique à l’ère des réseaux ? Est-
elle banalisée ?
Contre les discours funestes sur la critique, Frodon pense que
la parole publique sur le cinéma est un signe de la place
importante qu’il continue à occuper. Cette parole des gens,
n’est pas la critique. Cette dernière, si elle tend à
disparaitre comme profession n’en reste pas moins liée à de
l’effort, à de l’investissement et au développement d’une
reflexion…
Vaste et noble projet.
Bonne année cinématographique à tous…

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